jeudi 9 mai 2013

La Ronde, Arthur Schnitzler, mis en scène par Ronan Viard




Voilà. Je n'aime pas le théâtre. Je sais comment cela peut être entendu, mais les comédiens qui déclament haut et fort leur texte comme s'ils avaient un groupe du 3ème âge comme audience, je ne supporte pas. Je suis donc allée « à reculons » assister à cette représentation de cette pièce datant de 1897, écrite par Arthur Schnitzler, et aujourd'hui mise en scène par Ronan Viard.
La Ronde, dix nuance de désir... Comment ne pas penser sémantiquement à 50 nuances de Grey qui a dévalisé les bourses des ménagères de par le monde, sans que l'auteure gratte jamais authentiquement le fond, les motifs ni le défoulement de ses acteurs ?  Elle s'est payée un sacré train de vie de diva à ne rien déstabiliser, à ne rien dévoiler, alors que cette pièce, La Ronde, traite véritablement, dans ce théâtre Aktéon du 11ème arrondissement de Paris, de la valse des amours, des séductions cachées et entremêlées, des fantasmes et des frustrations de chacun. Un chouia pessimiste quand même, puisqu'aucun personnage n'est solide en tant que célibataire ni ne puisse vivre une autre vie qu'une double vie. Mais c'est à l'auteur que l'on doit ce Cioranisme !

Scandale à l'époque, retiré des affiches, avant d'être rejoué et poursuivi en justice (mais les meilleurs ont gagné à la fin !). Ce sont les mensonges et la recherche d'affirmation des personnages qui les rendent justement proches de nous, maladroits et gracieux. Un chemin qu'ils ont tout tracé mais qu'ils détruisent avec innocence et délectation, fierté et besoin de reconnaissance. Quoi de mieux que le danger pour se connaître soi-même ?
Au-travers de ces chassés-croisés habilement enchaînés mais radicaux, les personnages nous font fondre et nous font rire, théâtre de boulevard tout comme théâtre fataliste. Une approche hautement crédible, délicieusement humaine, tout simplement naturelle.
Le metteur en scène a réussi à moderniser ces tranches de vie d'un autre siècle, de manière humble et dense. Le décor agencé, pourtant minimaliste (un canapé-lit et un piano), permet entrées et sorties, ombres chinoises et affrontements. L'action se trouve autant sur scène que dans les marches et les sièges du public décontenancé, dans la tête du spectateur que dans celle de l'acteur. L'interaction dès le placement des premiers spectateurs nous jette au cœur de l'action, dans un jeu de lumières qui nous rythme au grès des actes. Les fantasmes interfèrent avec la réalité, que chaque nouvelle scène balaie allègrement.
Quant aux acteurs, ils nous offrent du piano et de la danse, leur jeu touche là où il faut. Ils revendiquent et subissent l'autre, dans un besoin d'amour mais aussi de territoire. Leur jeu est d'une justesse dérangeante. En paraître ou dénudés, ils sont des cibles autant que des armes.

La Ronde, donc, que j'ai perçue comme des chaînons de vie et que je vous invite à aller voir d'ici samedi !

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